jeudi 6 mars 2014

La promenade des lavoirs


Celui qui se promène sur la jolie promenade des lavoirs le long du canal mouturier a-t-il conscience qu’il chemine en suivant des tranches d’histoire du pays? Peut-il imaginer l’agitation et le caquetage des lavandières à genoux derrière leurs "plates"… Et tape du battoir !

La Bourbre a creusé son sillon au milieu des coteaux qui se couvrirent de vignes et de châteaux. On lui a volé une partie de son eau pour alimenter un canal industriel dit "mouturier." En effet, à l’origine, il apportait l’énergie aux roues à aubes des moulins. Il y en eut plus de 15 qui fournirent travail et richesse économique. Le sillon a aussi permis de tracer dès l’époque romaine une voie d’est en ouest, voie de négoce favorable au développement.

L’ancien lavoir de la place Carnot a aujourd’hui disparu! Le long de la promenade on voit encore les emplacements des lavandières et les petits bâtiments de la buanderie, où les gens aisés employaient une ou deux fois par mois des "lessiveuses" professionnelles à domicile pour faire a boyle.


Le lavoir municipal était certes construit pour faciliter la corvée de la lessive, mais c’était aussi un lieu où s’échangeait commérages et propos égrillards, avec les commentaires cruels du "tribunal du lavoir" sur l’intimité des gens. Lieu redoutable donc, dont les hommes étaient exclus, comme les femmes du café!

La tradition religieuse en faisait un des outils du "grand ménage" bisannuel, pascal, et printanier. La purification du linge allait de pair avec la Résurrection et la reviviscence des corps. De façon symbolique, ce rite purificatoire associait une fois de plus, avec des réminiscences païennes, les éléments de l’univers, le feu et la cendre, l’eau lustrale, le vent et le renouveau solaire.

En effet, avant l’apparition du "savon de Marseille", on utilisait de la cendre placée dans un sac pour bouillir le linge. Après plusieurs phases d’ébullition, on obtenait le "licha" (potasse). Ensuite, avec ce produit, commençait la phase d’ébullition du linge proprement dite. Une fois la "bouille" faite, les lavandières chargeaient leur cuvier dans une brouette, leur hotte ou parfois le portaient sur la tête pour aller poursuivre le travail au lavoir. Exceptionnellement, vu le poids, des hommes pouvaient s’associer pour le portage.


Les accessoires de ce rituel sont réduits à la planche à laver, une caisse garnie de paille pour s’y agenouiller, et le battoir, le "batillon", objet emblématique de la lessive et, … des scènes de ménage. On disait que les lavandières en avaient deux d’aussi actifs l’un que l’autre, le deuxième étant la mauvaise langue!

Après la guerre 14-18, la lessiveuse en tôle s’implante dans les cuisines, avec l’eau au robinet. Les lavoirs sont progressivement abandonnés, et le développement des équipements ménagers marque leur mise en sommeil, annonce de leur perte.

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